Derrière les poteaux : To loose #28
Publié le mercredi 27 septembre 2017 à 06:00

Brive vit un début de saison plus que difficile. Chez les supporters, la joie a fait place au stress et à l'inquiétude. Mais l'espoir est bien évidemment encore là. Cependant, les défaites commencent à agacer alors que la victoire se fait toujours attendre.

La haie d’honneur est passée. Après ce premier moment d’émotion, me voilà avec mon fils en train de casser la graine. Nous sommes assis sur les gradins du stade annexe, baptisé Jean-Marie Soubira. C’est vrai que ça a plus de gueule, même si je pense qu’il aurait bien mérité une tribune, la Sud par exemple. Nous dégustons quelques spécialités du Truck Français. L’atmosphère est spéciale. Tout est encore calme, la foule n’est pas arrivée. Je contemple cette pelouse où les espoirs font leurs armes. Un couple de pigeons passe au-dessus de nous dans une synchronisation que je voudrais bien retrouver chez nos joueurs. Je discute avec mon gamin, moments précieux entre un père et son fils. Une famille s’installe derrière nous. Tout en mangeant, ça disserte sur l’équipe, le niveau de jeu, le jeu lui-même, les coachs. Et c’est intéressant, les remarques sont pertinentes et plusieurs fois je me force pour ne pas me mêler à la conversation. Ce que je retiens de ce moment, c’est que ces supportrices et ces supporters aiment les joueurs. Ils ne considèrent pas qu’ils sont les responsables du naufrage.

Le temps s’écoule au rythme du soir qui avance son ombre sur le stade Amédée Domenech. Le pilier légendaire s’en est allé un jour de septembre 2003, je me demande ce qu’il pense de tout cela, tout ce bazar, tout ce tintouin, et surtout, surtout, de l’attitude des dirigeants, confits dans leur langue de bois, incapables de bouger une oreille et de changer quelque chose. Je me demande ce qu’il ferait s’il était encore parmi nous. Vu le caractère bien trempé du champion, nul doute qu’il y aurait du tangage et du roulis, la langue de bois, c’était pas truc au Duc. Lui le bois, il l’envoyait sur le pré. L’horloge trépigne et nous signifie qu’il est temps de retrouver les amis en tribune, derrière les poteaux.

La tension monte, on en mène pas large. C’est vrai que d’ordinaire, le zèbre est plutôt une proie, et le lion sur les maillots de la ville rose est plutôt un prédateur. Les toulousains sont venus avec la grande équipe et nous, on bricole avec nos blessés. Mais notre compo est solide, il n’y a pas de quoi rougir. Un peu plus de dix mille personnes sont là. Et visiblement, il y a plus de supporters que de spectateurs. Ces derniers se réservent sans doute pour le derby où il faut « être vu ». Immédiatement, dès que le premier zèbre foule la pelouse, ça chante, ça tambourine, ça tape des pieds et ça crie. C’est beau un stade qui vit, qui vibre, qui parle à ses champions. Sans doute que ce vent de folie qui souffle en tribune a poussé dans le dos des brivistes, ils démarrent fort et portent la première banderille. Mais en face il y a du répondant, Dupont transfigure son équipe et fait mal aux défenseurs. Premier essai encaissé.

Les minutes suivantes, si elles montrent des coujous féroces, confirment cependant ce que nous avons vu depuis quatre matchs, le mal est toujours là. La grande et terrible indigence offensive du CAB en grand écran sur Canal+. Aucune vitesse, une attaque qui joue à plat et presque à la fin, un essai à zéro passe. Devant une telle stérilité il va falloir songer à faire une FIV. Et pourtant nous le voyons bien, notre pack tient le choc, il prend même le dessus. Nos trois-quarts s’y filent aussi, mais c’est comme s’ils n’avaient pas de leçon à réciter, ils semblent improviser. Et puis le coup dur, Nicolas Bezy se retrouve avec l’épaule dans la boîte à gants. J'ai aussitôt l'image de Thomas Laranjeira blessé la semaine dernière à Clermont qui me revient à l'esprit, victime d'une agression du talonneur clermontois qui ne va écoper que d'un carton jaune alors que ça pouvait mériter plus. Mais nous sommes arbitrés comme des petits, et nos dirigeants se comportent comme tels. L’agresseur n’est même pas cité, mais personne au CAB pour s’insurger, pour protester. Nous sommes des gentils qui se font enfler sans protester ; question d’habitude.

En général, quand une équipe régresse dans un domaine, c’est parce qu’elle a travaillé dur sur un autre secteur. Pas au CAB. À Brive on travaille dur mais on régresse en défense et aussi en attaque. On aurait pu penser que ça aurait pu surprendre l’adversaire, mais il faut croire que non.

Le match avance et nous comprenons vite. Comment s’en sortir dans ces conditions, avec ce jeu, avec cette pression de l’échec et aussi avec la réussite qui boude. Pourtant ils en veulent nos zèbres. Poutasi Luafutu n’a de cesse d’aller au combat et de gagner du terrain. Saïd Hirèche se multiplie. Samuel Marques s’améliore et Benjamin Lapeyre se démène. À plusieurs reprises l’arrière du CAB montre le chemin, il remet son équipe dans le bon sens et taille dans la défense toulousaine à grands coups de cannes. On tient un leader les amis, c’est clair ! Quelle envie, quelle détermination.

Mais le bateau coule, inexorablement. Vasil Lobzhanidze a beau s’envoyer comme un diable, Peet Marais faire un très beau retour sur le terrain, rien n’y fait. Mais il y a eu de belles choses. Notre jeune Nadir Megdoud par exemple. Il m’a beaucoup plus, il faut qu’il joue, il a du potentiel, sur son match de samedi il n’y a rien Nadir de mal.

N’empêche que le club a touché le fond. Il a même commencé à creuser dans la pelouse du zébrium et avec de la chance, on y trouvera du pétrole, ça fera gonfler le budget et nous n’aurons plus de problèmes, et les dirigeants plus d’excuses. Parce que dans les coulisses on joue à un jeu dangereux. Celui de « Le premier qui bouge a perdu ». Surtout ne rien faire, ne pas bouger une oreille, continuer à balancer toutes ces balivernes aux supporters, continuer à les prendre pour des cons entre une défaite et un selfie hilare à Lima.

Le pire c’est que désormais, toutes les équipes du championnat vont venir s’essuyer les crampons sur nos couleurs, parce que c’est portes ouvertes à Brive. Combien de temps allons-nous entendre les « on est dans le dur », « l’équipe va se ressaisir », « ça va bien finir par tourner », « il n’y a pas de crise au CAB », j’en passe et des meilleures, série en cours. Je ne tire pas sur la bétonnière, je constate que la maison centenaire brûle et qu’il n’y a pas de réaction en haut lieu. Très bientôt il sera trop tard.

J’ai de la peine pour les joueurs. Ils font le tampon entre les supporters, la presse et le staff et les dirigeants. Ils ont l’envie, la solidarité et la volonté pour eux, mais il faudra bien plus pour réussir le sauvetage. Parce qu’évidemment, plus question de top 6 ou même 8 ou 10, l’idée c’est de sauver les meubles et de se barricader dans la 12e place.

Mais avec ce début cataclysmique, sans réaction de la tête du club, comment préparer la saison prochaine ? Quel joueur va rempiler alors qu’il vit ce calvaire chaque week-end ? Qui va avoir envie de venir à Brive ? Aucune pointure (si jamais il venait l’idée saugrenue à la direction de recruter ce genre de joueur) ne viendra se mettre en galère chez nous. Et ce n’est pas une nouvelle tribune pour les amateurs de champagne et de petits fours qui changera la donne.

Le 7 octobre Castres vient chez nous. Que se sera-t-il passé d’ici là ? Rien de bon je le crains. Si j’étais croyant j'irais prier, si j’étais marabout je ferais un sort. Si j’étais chamane je bricolerais une potion pour nos champions. Si j’étais magicien je ferais un tour de passe passe. Mais je ne suis qu’un supporter parmi les autres, et je ne peux que supporter mon équipe et dire à nos gars « Ne perdez pas la flamme, on va le faire ensemble, malgré les doutes, malgré la frustration, malgré la peur. Vous n’êtes pas seuls, et même si on râle, on vous aime. »

 

Sébastien Vidal, Chroniqueur
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