Derrière les poteaux : Hold-up #58
Publié le mercredi 4 décembre 2019 à 06:00

Après deux matchs de Challenge Cup, le Top 14 est de retour. Brive se méfie de cette équipe parisienne, bien décidée à venir faire un coup en Corrèze. Finalement, ce sont les locaux qui ont fait le casse. Pas le casse du siècle mais un bon petit casse en bande organisée.

Depuis la fin de l’invincibilité à domicile contre Bristol, quelque chose a changé. Ni en pire, ni en mieux, c’est plus subtil que cela. Les joueurs ont réalisé que la forteresse avait des faiblesses, que l’adversaire pouvait y pénétrer et tout ravager. 36 à 0, la tête à Toto.

Lors de la réception du Stade Français (qui lui, en savait long comme le bras sur les défaites à la maison), les joueurs étaient tendus. Déjà, à cette période du championnat, les parisiens jouaient leur survie dans l’élite. Ils sont scotchés à la dernière place comme nous l’avions été l’année de la dernière relégation. Sauf qu’à Paris, des décisions ont été prises, personne n’a regardé « ailleurs » pendant que la maison brûlait.

Les cabistes n’ont pas attaqué la rencontre vent du cul dans la plaine, contractés qu’ils étaient, un peu comme quelqu’un qui sert les dents avant de recevoir une baffe d’Obélix (clin d’œil très amical à Goderdzi Shvelidze). Comme s’ils pressentaient l’assaut vaste et rempli de violence, ils campaient dans leur zone, une manière de se rassurer, de protéger la ligne d’essai.

Le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils n’ont pas été déçus par les visiteurs. D’emblée, ce ne fut que vagues d’attaques sur vagues d’offensives. Et les zèbres prenaient cher. Molestés en mêlée, secoués en défense, perturbés sur le jeu au pied d’occupation, parasités en touche, la conquête était à l’ouest.

Le bateau prenait l’eau, la ligne de flottaison s’abaissait, les marins s’activaient partout où les voies d’eau se faisaient jour, le capitaine y mettait lui-même les mains, les pieds, le nez, les oreilles, tout.

Il faisait bien clair dimanche à Amédée Domenech mais les brivistes ne voyaient pas le jour. Les internationaux parisiens donnaient de l’agressivité et de l’adresse, de l’envie et pour la première fois de la saison, du collectif. C’est que sur le papier, cette équipe rose a de la gueule. Jusque là ce n’était que sur le papier et la malchance briviste fit que ça commençait à en avoir aussi sur le pré. On le sait, c’est une tradition locale que de relancer les équipes moribondes, c’est notre côté social, le plaisir d’aider, tendre la main, et la joue…la main sur le cœur mais pas sur le ballon.

Parfois, quand tout va mal, qu’on voit se profiler la catastrophe, il y a des individualités qui émergent du collectif, sans porter préjudice à l’équipe, bien au contraire, des pompiers de l’imprévu qui parent au plus pressé, éteignent les incendies, soignent les blessés, se multiplient dans la multitude.

Axel Muller et Saïd Hireche étaient au rendez-vous dimanche, ils avaient endossé la panoplie de super-héros, et c’était Spiderman qui déboulait dans New-York, c’était Batman qui descendait dans Gotham pour casser la gueule aux méchants. Mais pas seuls. Dimanche, ils ont été les fers de lances d’un groupe, mais un groupe homogène, très accrocheur, arc-bouté sur un énorme mental.

Quand on est dominé comme les zèbres l’étaient, quand rien ne fonctionne de ce qui était prévu, quand les mains sont moites et les combinaisons claquemurées dans le coffre-fort du président, quand le groupe est nu devant l’adversaire survolté, il ne lui reste pour combattre que ce qu’il possède de manière immanente, ce qu’il s’est fabriqué dans les heures de sueurs et les bons et mauvais moments, la seule richesse née des relations humaines et de la fraternité : l’esprit de sacrifice, l’envie de s’envoyer, une féroce volonté de ne pas lâcher, de prendre soin de son coéquipier, de rattraper ses erreurs parce qu’on sait qu’il rattrapera les nôtres. L’amour et l’amitié. C’est avec ces seules armes que nos joueurs ont défendu la maison dimanche. Ils étaient dépouillés du style et de la beauté, la grâce était en vacances et l’inspiration éteinte comme une vulgaire bougie dans un courant d’air du métropolitain. Mais ils étaient habités, par la ténacité et la pugnacité, peut-être y avait-il eu des mots avant match, une sorte de serment, une promesse de ne quitter le terrain que vidé, presque mort, à genoux s’il le fallait, mais vainqueur.

La volonté agressive et le réalisme, voilà ce qui a fait gagner le CAB. Faire fructifier deux occasions en essais, et tenir la ligne derrière les barbelés le reste du temps. Encore une fois, un buteur précis est un trésor dans ce genre de match. Le buteur était là, fiable, boussole dans la tempête. Dans d’autres temps, le club eut en sa possession une autre fabuleuse Boussole, avec, on n’est jamais perdu.

Les équipes qui possèdent un cœur attaché aux tripes se reconnaissent aisément, ce sont celles qui gagnent les matchs qu’elles auraient dû perdre, celles qui renversent les montagnes, ou au moins, les gravissent par la voie la plus dangereuse et difficile.

C’était ce genre de rencontre dimanche, c’était ce genre d’équipe qui tenait le terrain, c’était un hold-up à la maison.

 

Sébastien Vidal, Chroniqueur
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