Derrière les poteaux : les rayures #7
Publié le mercredi 21 septembre 2016 à 04:00

Samedi, il fallait avoir le cœur solide pour résister aux différents tangages du bateau reliant Brive à La Rochelle. Notre romancier avait sorti sa panoplie de marin pour accueillir les voyageurs rochelais. Sous le soleil automnal, il n'était pas loin de se transformer en pirate coujou pour venir prêter main forte à son club. Les canons résonnent, place à l'abordage !

Dominiko Waqaniburotu et Petrus Hauman sont au soutien de leur capitaine Arnaud Méla qui est repris par Brock James lors de la rencontre entre le CA Brive et le Stade Rochelais

Ils avaient embarqué la veille, sur leur navire amiral le « Collazo ». Fendant les vagues redondantes, sourds aux sirènes de l’excès de confiance, toutes voiles dehors, les rochelais avaient pris l’océan en conquérants. Un groupe uni, tel Ulysse et ses compagnons, qui savaient que le voyage tiendrait plus de l’Odyssée que de la balade, et que, au bout de l’aventure, rien n’était gagné. Se guidant à l’expérience et aux étoiles, ils s’étaient faufilés dans l’estuaire de la Garonne, la remontant jusqu’à l’endroit où elle se mélange à la Dordogne. Au son du tambour qui rythmait les coups de rames, ils passèrent au pied de la cité de Domme et défièrent de loin la forteresse de Beynac. Puis ils empruntèrent la Vézère, son lit se rétrécissant peu à peu pour s’ouvrir sur une confluence, la Corrèze. Cette rivière qui donna son nom au département éponyme veut dire en occitan « celle qui court », les rochelais étaient prévenus. Il faudra galoper, ne pas compter sa peine et certainement se mettre minable pour ramener la victoire. Ils remontèrent la Corrèze, à la force des bras, contrariant le courant, puis ils s’arrimèrent à la berge, non loin du pont Cardinal. A cet instant où les voiles s’affalent et où les muscles s’apaisent de l’effort, les valeureux ne se doutaient pas à quel point ils allaient encore ramer, sur la terre ferme.

Les brivistes eux, avaient bien préparé le débarquement des jaunes et noirs. Ils s’étaient convaincus que La Rochelle était invaincue mais pas invincible. Parfois la victoire se dessine dans les nuances. Les vieux loups de mer répondaient présent sur le pont, Arnaud Méla, Sisa Koyamaibole, JB Péjoine, Arnaud Mignardi, Guillaume Ribes, tous sont prêts pour l’abordage.

De la tribune Sud, j’observe l’échauffement et je me dis que nos zèbres tiennent plus du pirate que du corsaire. Un instant, dans le bruit des vagues qui viennent frapper la coque du vaisseau « Amédée Domenech », j’imagine son capitaine, Arnaud Méla, debout sur le pont, pensif, une pipe au coin des lèvres, regardant le large et humant les embruns. Il tient un verre de rhum dans sa main et sonde l’horizon. Des mouettes passent au-dessus de lui en criant et interpellent son fidèle perroquet bigarré perché sur son épaule. Le calme avant la tempête.

Et soudain Zouzou surgit en bondissant et je reviens à la réalité. Le tambour que j’entends n’est que celui qui provient des associations de supporters, comme le cœur du Zébrium.

Dès l’entrée des deux équipes sur le pré je sais que ça va être une histoire de rayures. Les guêpes contre les zèbres. Tiens, ça me fait penser à une fable. Le zèbre et la guêpe.

Perdue dans la savane calcinée, la guêpe ne savait plus à quel essaim se vouer. Soudain elle aperçut une clôture. Fatiguée, elle se posa dessus dard dard. Ne te gêne pas, fais comme chez toi ! lança une voix. Bon sang, quelle surprise, une clôture qui parle ! La guêpe effarouchée se rendit compte de sa méprise. Elle ne s’était pas posée sur une clôture mais sur un animal. Un bien drôle d’animal. Comme un cheval, mais avec des rayures noires et blanches, à moins que ce ne soit blanches et noires … Et bim ! elle prit un grand coup de queue qui la balaya comme un fétu de paille. Moralité : quand on n’y connaît rien en clôture on fait gaffe aux rayures.

Bon, revenons à nos …moutons. Le match. D’abord un hommage appuyé au docteur Dupuy, juste disparu, un homme qui a beaucoup compté dans l’histoire du CAB. Le public, debout, qui applaudit pendant une bonne minute fait résonner sa reconnaissance, et, belle image, des joueurs rochelais applaudissent aussi.

Après la volée de bois vert reçue à Grenoble, le CAB plaide coupable et espère vaincre à la maison pour éviter de perdre le bénéfice de l’exploit à Toulon. Nous pensons aux joueurs suspendus à la décision de la commission de discipline et souhaitons qu’ils évitent la case « prison » …

Les zèbres ont les abeilles, ils veulent gagner pour ne pas finir le week-end avec le bourdon. Après les fruits d’automne distribués en Isère voilà qu’on leur propose des fruits de mer, ah la diététique … Mique contre tourteaux, Pounti contre les révoltés du Bounty. Très vite la rencontre devient houleuse pour les maritimes, ça tangue fort, Poséidon a choisi son camp, le noir et blanc, et quand Waquaniburotu plonge dans l’en-but charentais le naufrage n’est pas loin. Mais le garde-côte au sifflet, averti par le garde-côte vidéo annule l’essai pour cause d’écran. C’est marrant, un écran à la vidéo …

Un peu plus tard, Benjamin Lapeyre encore une fois excellent, est à la finition et inscrit un bel essai. Je me dis que c’est dommage qu’il n’ait pas un frère jumeau, mais je réalise que Lapeyre, y’en a pas deux.

Et puis les coujoux perdent un peu le nord, ça peut être vite gênant en navigation. Il leur faudrait un sextant, ou à défaut un Sexton. Ou peut-être un sextoy, je m’égare … Les visiteurs donnent du canon. Un essai magnifique des flibustiers à l’abordage, lancé comme des frelons à la suite d’un très beau coup de pied millimétré de Brock James, arrive un jeu de passes rapides et dans le mouvement qui se termine en banderille plantée en terre briviste. En quelques minutes c’est la tempête. Bezy se fait prendre sur un contre, essai rochelais ! La vague scélérate. Puis un autre visiteur file marquer un troisième essai. Le CAB est au bord de la noyade, une question me vient : Un zèbre sait-il nager ? Là-haut dans la vigie, le staff observe.

Un vieux grincheux à côté de moi ne cesse de critiquer avec sévérité les joueurs corréziens. Il râle, invective, professe et se fait comminatoire. Il n’a pas bougé une oreille pour fêter l’essai et les points brivistes, mais il a la critique facile. De toute la partie, je ne l’aurais jamais vu frapper dans ses mains, taper des pieds ou même scander un encouragement. Sans doute craint-il de se déboiter un genou ou de se déchausser le dentier. Cette mentalité me dépasse.

C’est alors que le tableau d’affichage prend l’eau et retire d’une manière arbitraire tous ses points à La Rochelle sous les acclamations du public. A Brive, on sait comment gagner les matchs …

Ensuite, comme Gaétan Germain, le canonnier briviste connaît une réussite insolente, le responsable de la sono décide de le troubler un peu et lance « Les sardines » à tue-tête au moment où Gaétan s’apprête à frapper la transformation. Imperturbable, tel un phare dans la tempête, il fait passer le ballon entre les poteaux. C’est qu’il ne faut pas lui tendre la perche à celui-là …

La fin de match est étouffante, oppressante. Le CAB a les maritimes dans la poupe, un tout petit point d’avance. Dans les tribunes c’est concours de culs serrés ! On retient son souffle, on croise les doigts, les orteils et même les oreilles pour les plus souples. La victoire se laisse caresser mais pas encore séduire, elle hésite alors que les dernières secondes s’égrènent. Ultime attaque rochelaise, comme un message télépathique, nous pensons tous la même chose : pas de faute, pas de faute et les barbelés !

A trop vouloir aller de l’avant les guêpes finissent en faire un, c’est fini, la victoire se laisse tripoter, elle a choisi son camp. Un petit point d’avance qui en rapporte quatre au classement. C’est merveilleux. Le leader était invaincu, mais pas invincible. Encore une fois, les zèbres ont été héroïques, solidaires et engagés, impossible de sortir un nom de ce groupe là.

Dans les vestiaires, à la mi-temps, quand ça tanguait fort et que la nausée n’était pas loin, il y a eu les mots du manager, de ces mots qui soignent, de ceux qui font relever la tête et font repartir au combat regonflé à bloc et plein de confiance. Pas confiance en soi forcément, mais dans le groupe, les copains. Ceux pour qui on fait tout cela. Cette équipe a de la moelle je l’ai déjà écrit, elle a du courage à revendre et une volonté aussi dure qu’un bout de métal. Et du talent aussi, parce qu’elle n’est pas que laborieuse. Samedi nous avons vu du beau rugby, et pour faire un beau match il faut être deux. Il faudra vraiment être prêt au sacrifice pour venir gagner dans l’antre des zèbres, des rayures et de belles explications des gravures en perspective.

Samedi soir, Herman Melville s’est retourné dans sa tombe, ce n’était Moby Dick, c’était Maudite Mique !

 

 

Article rédigé par Sébastien Vidal.

Sébastien Vidal est un écrivain corrézien, amateur de rugby et du CA Brive. Il est l'auteur de Un ballon sur le cœur. Si vous ne l'avez pas dans votre bibliothèque, n'hésitez pas à vous le procurer (cliquez sur le lien)

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Rémi Brazon, Rédacteur
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