Mike Tadjer « Merci beaucoup aux supporters »
Publié le mardi 29 mai 2018 à 06:00

En seulement une saison, il a pris une place importante dans le coeur des supporters du CAB. Son départ à Grenoble a provoqué une petite onde de choc car les dernières nouvelles penchaient plus vers Brive que vers l'extérieur. Mais voilà, Tadjer est parti, l'occasion d'échanger avec lui et de découvrir l'homme qu'il est.

Depuis une saison qu’il a revêtue la tenue zébrée Noir et Blanc (même si depuis quelques temps, du zèbre, elle n’en a plus que les couleurs), Mike Tadjer n’a pas tardé à s’imposer comme « le talonneur titulaire », l’un des tôliers indiscutables de l’équipe et l’une des coqueluches du public et des supporters brivistes.

Âgé de 29 ans, accusant 1m83 sous la toise pour 114 kg, notre « gaillard » est né à Massy, en région parisienne, de l’union d’un papa portugais et d’une maman syrienne. Formé en région parisienne, il est un pur produit du club de Massy, célèbre pour les nombreux talents qui y ont été formés et qui s’y sont révélés.

Si sa carrière professionnelle a débuté au Racing, il est revenu trois ans après dans son club de cœur, avant de s’engager avec Agen puis, finalement de venir à Brive avec qui, en 1 saison, il a joué 1 184 minutes et marqué 3 essais toutes compétitions confondues, permettant ainsi, de découvrir et d’apprécier ses talents de joueur et ses qualités d’homme. Il a également été sélectionné 11 fois avec « os Lobos » (Les Loups), l’équipe nationale du Portugal.

Voilà pour la présentation rapide de ce joueur si attachant qu’est Mike Tadjer, mais quelle personnalité se cache derrière cet homme ? Alors qui est tu réellement Mike ?...

 

À quel âge as-tu découvert le rugby, pourquoi et comment ?

J’ai commencé le rugby à l’âge de 9 ans. A l’époque, un certain Alain Gazon qui était responsable de l’école de rugby du RCME (Rugby Club Massy Essonne) organisait des initiations dans les écoles de la ville. Après plusieurs séances, il m’a proposé de m’inscrire au club, ce que j’ai accepté. Je suis resté à Massy depuis la section benjamins jusqu’en Crabos avant de partir jouer en Espoirs Pros au Racing. Entre temps, j’ai été champion de France en Cadet 1ère année. J’ai aussi été sélectionné en Équipe de France – 16 et j’ai fait le Pôle Espoir du Lycée Lakanal.

 

Si je te dis Philippe Conte, qu’est ce que ça évoque pour toi ?

Ça m’évoque mes débuts au rugby car il a été l’un de mes premiers entraîneurs à Massy. Aujourd’hui, c’est toujours l’un des premiers visages que l’on rencontre en arrivant au stade puisqu’il vend toujours les tickets de la tombola en faveur de l’école de rugby.

 

Tu as quitté le club de Massy pour rejoindre le Racing, à quelle moment de ton cursus et pourquoi ?

À 18 ans, toujours sur les conseils de ce fameux Alain Gazon, j’ai saisi la belle opportunité de connaître le haut niveau en allant au Racing. J’étais Espoir Pro, ce qui veut dire que j’avais un contrat Espoir et que je m’entraînais avec l’équipe première (en Pro D2 à ce moment là). J’ai fait 13 feuilles de match en Pro D2, l’année où le Racing a été champion de France puis 1 feuille en Top 14 l’année suivante. Malheureusement, je me suis blessé et j’ai dû me faire opérer d’un arrachement osseux aux ischios-jambiers et ma dernière saison a été blanche.

 

Parle nous de tes débuts de joueur professionnel et de ton premier match. Cela doit être un moment très fort pour un jeune joueur plein d’ambition

Mon premier match professionnel, c’était à Massy en 2008. Je joue avec l’équipe première contre La Seyne Sur Mer en play-down de Fédérale 1. J’ai joué une trentaine de minutes et j’ai connu mes premiers doigts dans les yeux, coups de poing, pincement des parties intimes. Bref, le grand bain quoi !

 

Après 3 saisons au Racing, tu reviens à Massy. Ton club formateur te manquait tant que cela ?

Comme je le disais, je n’ai pas joué du tout lors de ma troisième année au Racing. Le club ne m’a donc pas conservé. J’avais envie de retrouver des sensations et du temps de jeu alors je suis retourné à Massy, en Fédérale 1. Mais, pour avoir l’autorisation de jouer en équipe première, il a fallu que je trouve un travail en parallèle des entraînements. Massy, c’est ma ville alors, ce club me manquera toujours un peu.

 

Lorsque tu quittes Massy pour rejoindre Agen, tu quittes aussi le cocon familial et la région où tu as grandi, où tu as tous tes copains. Comment as-tu vécu cela ?

Ça a été un déchirement car effectivement, j’y avais toute ma famille, mes amis et ma fiancée qui vivait également en région parisienne. Mais au final, ça m’a été bénéfique de sortir de ma zone de confort et ça m’a fait progresser.

 

Photo : Puissance 15

 

Tu signes à Agen pour remplacer leur talonneur emblématique, Jalil Narjissi puis tu viens à Brive où tu remplaces un autre talonneur, tout autant emblématique en la personne de Guillaume Ribes. A priori, ce sont des sacrés challenges. Comment les as-tu vécu ? Pas trop de pression ?

Non, pas spécialement de pression, juste une grosse envie de bien faire et de montrer de quoi j’étais capable. Je voulais apporter le maximum à l’équipe. Que ce soit à Brive ou à Agen.

 

À ton poste de talonneur, tu es au centre de la mêlée, cela doit être un stress lourd à gérer, tant au niveau du mental que sur le plan physique, non ? Qu’en penses-tu ?

C’est vrai que c’est un poste à grandes responsabilités. On se doit d’être fort en mêlée, en touche et dans le jeu mais, en plus, il faut aussi être un leader dans le combat.

 

Bon, voilà, la nouvelle est tombée pendant que nous préparions cette interview et tu as officialisé ton départ de Brive. La saison prochaine, tu ne porteras plus le maillot blanc et noir mais celui, bleu et rouge de Grenoble. Unanimement, les supporters brivistes ont accueilli cette nouvelle avec une grande tristesse mais voilà, c’est ta décision et elle n’appartient qu’à toi seul et à ta petite famille. Quoi qu’il en soit, un nouveau challenge t’attend. Nous sommes nombreux à penser que tu sauras le relever et que tu t’imposeras très vite en Isère, au sein d’un club qui doit, un peu, ressembler à celui de Brive au niveau de sa structure.

 

Peux-tu nous dire, simplement et sans te sentir obligé de justifier ta décision, ce qui t’a amené à choisir de poursuivre ta carrière professionnelle à Grenoble ? Même si l’opportunité de continuer d’évoluer dans le Top 14 a certainement pesé dans la balance, est-ce la seule raison qui a guidé ton choix ?

Le choix n’a pas été évident. Je n’étais pas du tout fermé à l’idée de prolonger mon contrat avec Brive mais le club avait certainement d’autres projets. Du coup, je me suis ouvert aux autres propositions que j’avais et celle de Grenoble m’a semblé intéressante. C’est un beau club avec un vrai projet et effectivement, un sacré challenge pour la saison qui arrive.

 

Grenoble a gagné, de haute lutte, le droit de jouer dans la cour des grands. L’histoire démontre qu’il n’est pas facile, pour un club qui accède au Top 14, de s’y maintenir. Ainsi, la saison sera sans doute difficile à gérer et l’ambition du club sera le maintien. C'est un peu la même situation que l’an dernier, lors de ton arrivée au CABCL. C’est ce qui te motive le plus ?

Déjà en arrivant au CABCL, je ne pensais pas jouer le maintien car le club avait terminé 8ème la saison précédente. Le challenge de maintenir l’équipe est énorme mais très excitant et motivant. Agen l’a fait cette saison par exemple et a devancé Brive et le Stade Français qui n’étaient pas des promus donc, pourquoi pas Grenoble l’an prochain ?

 

Massy, le Racing (à l’époque où tu y a joué), Agen, Brive et maintenant Grenoble. Depuis que tu as débuté ta carrière professionnelle, tu as toujours opté pour des « petits clubs », non pas au regard de leurs palmarès mais de leur positionnement dans le monde professionnel où la « finance » est de plus en plus omniprésente. Cela veut-il dire que tu préfères jouer dans un club à taille humaine plutôt qu’une « grosse cylindrée » où l’argent est roi ? Et pourquoi ?

Je viens d’un club modeste sur le plan financier, avec des valeurs familiales et humaines donc, peut-être qu’inconsciemment, je me retrouve et me sens à l’aise dans ce genre de club mais j’ai surtout essayé de saisir de progresser et des opportunités quand elles se présentaient.

Tu as eu l’occasion, à plusieurs reprises, 11 fois je crois, d’avoir l’honneur d’être appelé dans l’équipe nationale du Portugal, « Os Lobos ». Comment as-tu vécu cette expérience et que t’a-t’elle apportée ? Comment as-tu vécu l’instant où tu as entendu et chanté l’hymne national portugais, celui du pays de ton père ?

La sélection du Portugal a été une bonne chose pour moi car c’était au moment où je suis revenu à Massy. J’avais besoin de temps de jeu et de « me faire voir ». C’était une bonne expérience car j’ai pu jouer contre des pays comme la Géorgie, la Roumanie ou l’Uruguay qui comptent beaucoup de joueurs en Top 14 ou au haut niveau.

 

Mike, pour poursuivre cet entretien, j’aimerais maintenant te poser quelques questions plus personnelles.

On peut supposer qu’avec une maman syrienne et un papa portugais, tu as eu l’occasion de voyager, de découvrir et de connaître ces pays. Veux-tu nous en dire quelques mots, sur le plan géographique, touristique et humain mais aussi sur le plan de tes émotions en découvrant les lieux où tes parents sont nés, en foulant le sol où sont tes racines ?

J’ai eu la chance d’aller en Syrie avant que le pays ne soit en guerre. C’était vraiment un pays magnifique, riche culturellement, où les gens étaient très attachants et chaleureux. Il y faisait vraiment bon vivre (surtout pour un bon mangeur comme moi !). J’espère que la situation finira par s’arranger là-bas. Au Portugal, je n’y suis pas retourné depuis ma dernière sélection. Je garde cependant de très bons souvenirs de mes vacances dans la maison de mes grands-parents quand j’étais petit, avec mes cousins et mes cousines.

 

Tu as 29 ans aujourd’hui et encore quelques belles années à vivre sur le plan rugbystique mais après ? As-tu déjà pensé à ta reconversion et à ce que tu aimerais faire de cette vie future ?

J’ai quelques projets en tête, effectivement. Dans tous les cas, je sais que je ne suis pas fait pour la vie de bureau. J’ai besoin de voir du monde, de bouger. Pourquoi pas l’automobile, l’immobilier ou même, ouvrir un restaurant.

 

Le rugby et ta petite famille doivent être les deux éléments les plus importants de ta vie mais lorsque tu en as le temps, qu’est ce qui te fait vibrer ?

Depuis la naissance de notre fils, on privilégie surtout les moments en famille et entre amis. On aime recevoir du monde chez nous pour une soirée ou un week-end, aller au restaurant, se balader. Des petits plaisirs simples mais qui font toujours du bien au moral.

 

Avant de terminer, tu aimerais peut être dire autre chose te concernant, à nos lecteurs ou leur passer un message qui te tient à coeur alors, mon cher Mike, tu as la parole

Au-delà des résultats décevants du CAB, ma famille et moi sommes très heureux d’avoir passé cette année à Brive. Nous avons découvert une belle région, où on mange très bien, où les gens sont sympathiques et où les supporters nous ont très bien accueillis.

Merci beaucoup à eux de leur gentillesse et leur attention à mon égard. J’espère qu’ils se mobiliseront toujours pour le club, même en Pro D2. Nous quittons Brive mais la ville gardera toujours une place particulière pour nous puisque nous aurons toujours notre « Petit Gaillard » qui y est né en septembre dernier !

 

 

Merci Mike de nous avoir, avec gentillesse et simplicité, ouvert ta porte et permis de mieux te connaître, d’avoir pu découvrir l’homme que tu es, chaleureux, profondément humain pour ne pas dire humaniste, pour qui la famille est l’un des éléments, si ce n’est le plus important.

Tu a su montrer, au cours de cet entretien que pour toi, les valeurs prônées par ce sport que nous aimons tant ne sont pas que de vaines paroles et qu’elles existent encore malgré une professionnalisation envahissante.

Tu ne seras resté qu’une saison sur les bords de la Corrèze. Ce n’est pas long mais largement assez pour rester à jamais dans nos souvenirs et dans notre cœur. Un peu à l’image de Grégory Kacala qui, il y a 21 ans, après n’être resté lui aussi, qu’une seule saison, a participé au sacre européen de notre club et que nous apprécions toujours autant, et que, tout comme toi, nous n’oublierons jamais.

Tous les supporters, tout le public, nous te souhaitons de connaître un bonheur sans faille auprès des tiens et de connaître encore beaucoup de satisfactions professionnelles à Grenoble et dans ta vie d’après rugby. Bonne route à toi et à ta famille, Mike, et à bientôt…

 

Jean Elhinger, Chroniqueur
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Talonneur
Classement Pro D2 Pts
1 Vannes 82
2 Provence Rugby 81
 
7 Nevers 68
8 Brive 62
9 Colomiers 60
 
13 Soyaux-Angoulême 54
14 Biarritz 53
 
Classement Top 14 complet
Résultats Journée 28
Agen 26 30 Biarritz
Grenoble Béziers
Vannes Rouen
Nevers Soyaux-Angoulême
Brive Aurillac
Provence Rugby Valence Romans
Colomiers Montauban
Mont de Marsan Dax
Résultats Top 14