Derrière les poteaux : le sifflet en travers #5
Publié le mardi 30 août 2016 à 14:02

Notre écrivain est de retour ! Après quelques semaines de repos à profiter du soleil (corrézien on espère), il est de retour dans les travées d'Amédée-Domenech. Pour la première à domicile de son équipe, il a pu gouter à la victoire comme au festival de son nouvel ami ! C'est reparti pour une nouvelle saison derrière les poteaux.

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Ça y est, c’est reparti ! Le stadium, le Zébrium est ranimé, comme si une nouvelle vie insufflée par l’espoir fou de survivre en top 14 se distillait dans ces vieux murs et faisait battre un cœur rajeuni. Un soleil mortel plombe la pelouse qui s’apprête à subir pour une longue saison, l’avanie des crampons et des corps plaqués. C’est encore les vacances pour quelques jours, aussi, les tribunes d’Amédée Domenech ne sont-elles pas remplies, mais ce sont quand-même 10098 personnes qui se sont données rendez-vous dans l’antre briviste.

Les corps bronzés et très dévêtus rivalisent de charme et l’après-midi agonisante s’annonce bien. Tandis que les supporters de la tribune Elie Pébeyre grillent sous les ardents rayons d’un astre en feu nous nous installons à l’ombre de la tribune Sud. C’est une voix féminine qui nous accueille, jaillissant des enceintes, elle égrène les noms des joueurs avec une tessiture toute gaie et légère.

Les champions pénètrent sur le pré. Nous les contemplons. C’est qu’il y a quelques capes internationales devant nous. L’armada parisienne se présente auréolée de son triomphe de la première journée mais enserrée dans la crainte d’affronter une équipe qui porte avec joie les habits de sa bête noire (et blanche !).

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Derrière leur capitaine, les joueurs brivistes pénètrent sur leur pelouse fétiche

 

Bien sûr je pourrais mettre les pieds dans le plat, je pourrais me déchainer contre l’arbitrage de cette rencontre. A juste titre. Mais j’ai décidé d’utiliser l’indifférence comme arme et comme baume à mon cœur révolté. Aussi, je ne citerais pas dans ces lignes le nom de l’individu au sifflet de travers qui officia pendant trop longtemps samedi en fin de journée. A chaque fois que je parlerais de lui, un « Biiiip » sonore remplacera donc son patronyme.

Sous ce soleil impitoyable les joueurs des deux équipes peinent à courir et marchat l’ombre de la tribune Europe. Très vite les avants corréziens utilisent leur puissance collective et entament la résistance de leurs adversaires. Les parisiens ne peuvent que se mettre à la faute et donner l’occasion à l’artilleur Gaétan Germain de débloquer le compteur. 3-0 puis 6 à 3. La marchavant est enclenchée.

Très vite la partie devient une démonstration du pack briviste qui domine son homologue dans l’occupation ainsi que dans les duels. Les phases de touche tiennent leurs promesses, les sauteurs tutoient le ciel, on dirait qu’ils jouent à marchat perché.

A ce moment de la rencontre, le public, sans doute assommé par la température et irradié par les fulgurances de la grosse boule jaune accrochée dans le ciel, se montre assez timoré et presque assoupi. La reprise est dure pour les supporters, les automatismes peinent à se retrouver. Peut-être qu’un stage de présaison s’avèrerait nécessaire, pourquoi pas au centre des Mille sources de Bugeat ?

En Pébeyre on se protège comme on peut. Les casquettes aux couleurs du club sont de sortie, les bobs et les marchapeaux ne sont pas en reste. Il se peut aussi que des litres de bière s’écoulent en douce derrière les drapeaux agités, comme des diversions salvatrices.

Sur le terrain c’est le début d’une embuscade qui fera date. Un énergumène arborant un sifflet se met à découper en tranche le match avec des décisions bien curieuses. Dans les gradins, après avoir cru à une insolation qui aurait frappé monsieur « Biiip », nous commençons à nous demander si nous n’assistons pas à l’application d’un plan marchaviélique. Alors que les coups de pied du canonnier du CAB gonflent l’avance des noirs et blancs, survient comme un éclair dans la nuit une belle réalisation issue d’un très beau mouvement initié par Teddy Iribaren et relayé par Arnaud Mignardi ; avec à la conclusion, en pointe acérée d’une flèche décochée par un arc collectif, Gaétan Germain, tout en cannes et en puissance, aplatit la gonfle dans l’en-but des blancs étoilés. Puis un geste d’anti jeu de Sempéré provoque la blessure de Peet Marais. Chanceux, le talonneur évite le carton jaune pourtant mérité. Alors que nos coujoux avaient distancé au score les parigots, un essai de Sergio Parisse et une touche non trouvée par Ugalde font revenir les lutéciens à trois misérables points à la mi-temps. Déjà, le sifflet de monsieur « Biiip » donne des inquiétudes aux supporters, il avertit Damien Jourdain mais sanctionne finalement Asieshvili d’un jaune … Il semble pourtant, vu des tribunes, que la mêlée parisienne, roublarde, évite le combat fermé. C’est l’heure des citrons et la foule se rue sur les buvettes. Côté Derichebourg, le marchapiteau est pris d’assaut tandis que les supporters les plus inquiets filent allumer un cierge à la marchapelle.

La seconde période déboule alors que les fans ont encore de la mousse de houblon sur les lèvres. Sous la canicule, c’est la même partie qui continue. Le public s’agace et finit par trouver suffisamment d’humour pour chambrer gentiment Jules Plisson en scandant son nom pour le remercier de tous ces points laissés en route. Les cabistes ne parviennent pas à distancer leur adversaire. La frustration est portée à son paroxysme quand les fautes de mains se succèdent à deux pas de la ligne d’essai parisienne. Et ces touches toujours pas trouvées ! Et ces ballons innombrables rendus aux hommes de Parisse, comme des munitions fatales en offrandes de bienvenue déposées par les brivistes au pied du coach Quesada. Soudain c’est l’orage, coup de tonnerre et c’est la pluie qui arrive, une pluie de cartons jaunes. De la 62ème minute à la fin du match les zèbres ne seront plus jamais au complet et même à treize à la fin. Il faut croire que ce chiffre est porte-bonheur, car au bout du compte, entre la cécité arbitrale, les maladresses et faux-pas corréziens, la fatigue intense finit par être balayée par la colère d’être injustement traité. L’amertume génère souvent chez les brivistes une révolte, l’injustice galvanise les guerriers. Dans une fin de rencontre étouffante, les hommes de Nicolas Godignon se soudent comme un seul combattant, dans une coalescence magnifiée ils poussent et relèvent la tête pour défier le monde avec des yeux habités par la fureur. Les parisiens ne sont qu’à 5 minuscules points, et monsieur « Biiip » exclue Germain pour un en-avant volontaire et se fait houspiller par le stade tout entier. C’est triste de voir ça, mais quand il y a trop-plein d’amertume, il faut que ça sorte. En y réfléchissant je me dis que la victime est aussi responsable de ce qui lui arrive. C’est dommage d’en arriver là. Un arbitre hué dans un stade est toujours une défaite.

Mais la charge est sonnée, les zèbres fondent sur le camp adverse, le siège commence, haletant, oppressant. On regarde successivement le jeu, les joueurs, l’arbitre, le chrono. Les secondes ne s’écoulent pas assez vite, on se dit que monsieur « Biiip » a dû trafiquer l’horloge pendant la mi-temps, on perd la boule, on devient parano. Parfois le rugby, ça fait ça, quand il y a trop d’émotions, trop de sentiments contraires qui se mêlent.

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On pousse pour aller valider cette première victoire de la saison !

 

Et puis la houle des tribunes, comme un seul homme, tout un peuple se soulève devant l’œuvre de Thomas Laranjeira, un drop qui ne pouvait venir que du ciel, un coup de pied d’orfèvre, un coup de tatane qui compte triple : la victoire, le soulagement, la perte du bonus défensif pour les parisiens.

Déçus, les visiteurs sont marchagrins, tristes. Un moment ils y ont cru. Et puis la malédiction … Et puis le cœur d’une équipe, et puis la solidarité d’un groupe plus fort que jamais.

Durant tout le match, nous avons vu un Julien LeDevedec dans le costume d’Arnaud Méla, et c’était beau, la taille patron.

Et puis ces papillons dans mon ventre, et cette fatigue intense qui roule sous les gouttes de sueur. C’est le soir, le soleil s’est effondré derrière la tribune Europe, il a peint les nuages en orange et même en rose, clin d’œil taquin aux parisiens sans doute …

 

 

Article rédigé par Sébastien Vidal.

Sébastien Vidal est un écrivain corrézien, amateur de rugby et du CA Brive. Il est l'auteur de Un ballon sur le cœur. Si vous ne l'avez pas dans votre bibliothèque, n'hésitez pas à vous le procurer (cliquez sur le lien)

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Rémi Brazon, Rédacteur
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