Derrière les poteaux : Débriefing de comptoir #49
Publié le mardi 19 mars 2019 à 06:00

Dans un match de rugby, il y a plusieurs mi-temps. Après la fameuse 3e mi-temps vient la 4e, celle du débrief. Celui des supporters est toujours épicé mais finalement le plus brut. Il y a toujours un soupçon de vérité dans la voix des inconditionnels. La prédiction de l'avenir est aléatoire mais tombe juste dans la bouche de certains.

La matinée a débuté dans une lumière inattendue. Le soleil parade au-dessus de quelques nuages lactescents. Dans le bar, les bruits de verres qui s’entrechoquent et les pieds de chaises qui raclent le sol instaurent une ambiance chaleureuse. La télé, bloquée sur une chaine d’info en continu que personne n’écoute vraiment s’époumone en vain pour capter l’attention des clients. La clochette de la porte sonne régulièrement, il y a des « salut Jojo » « salut Bertrand » des « Nico ! un petit noir s’il te plait ». Il y a des sonneries intempestives de smartphones et deux gilets jaunes au comptoir qui restent pensifs au-dessus de leur café. Sur le trottoir, quelques clients s’adonnent à leur addiction de papier et d’herbe séchée non prohibée. Les volutes montent vers les branches des arbres encore décharnés et on tape des pieds pour se dégourdir les jambes.

Au bout du zinc, deux supporters brivistes arborent avec fierté les couleurs du club. La veille, dans la gueule béante d’Amédée Domenech, les cabistes ont dévoré tout cru les visiteurs d’Aix en Provence.

Ça n’a pas fait un pli, pas une once de suspense, un scénario à faire déprimer Alfred Hitchcock en personne. Dès les premières minutes le ton était donné, le rythme imprimé, les carottes en train de cuire méchamment et les cochons gambadaient dans le maïs.

Patrice, que tout le monde appelle évidemment Pat, renifle comme pour se donner du courage et se lance.

- Je ne me souviens pas depuis combien de temps je n’avais pas vu un match aussi plein, à tous les niveaux, conquête, jeu, activité, défense, occupation du terrain, envie des joueurs.

- C’est vrai qu’ça fait plaisir, mais qu’ça arrive mi-mars me chagrine, il était temps répond Lucien, un ancien qui en a vu de toutes les couleurs depuis les quarante dernières années.

- Je sais, mais bon, on ne va pas bouder notre plaisir comme dit hein !

- Non, bien sûr. Mais cette équipe j’m’en méfie quand même. Un coup oui, un coup non. On accrochera pas le wagon des demies à la maison comme ça.

- Peut-être que hier c’était le match référence comme on dit !

Lucien retrousse son nez, il fait ça Lucien, quand il n’est pas convaincu. Il en a tellement vécu des désillusions avec ce club, que maintenant c’est dur de le prendre en défaut.

- Mouais, faut pas oublier qu’ces Aixois sont des promus, ils arrivent tout droit de fédérale. On leur a marché dessus, et même dessous si tu veux, mais c’était faible en face. C’est bien beau de faire les barbots à domicile, de remplir les valises des visiteurs, c’est tout beau tout rose, mais à l’extérieur, c’est une autre histoire.

- Dis pas ça Lulu, tu me fous la trouille, j’ai peur qu’on rentre encore la queue entre les jambes de Nevers. C’est qu’on est pas chouette loin de notre Corrèze.

- Tu sais Pat, c’est comme ça qu’on r’connaît les grandes équipes, celles qui en ont vraiment dans le short, elles gagnent chez les autres, elles regardent l’adversaire dans les yeux et elles gagnent. J’suis pas sûr que nos gars soient de cette étoffe. Ils sont très bien, on est quatrième, c’est bien, mais on est devant une marche autrement plus haute maintenant.

- Oui, ils alternent le bon et le moins bon, mais cette victoire va leur donner confiance. L’appétit vient en mangeant comme on dit !

- Et l’orgie de la dernière fois à la maison, elle leur a donner envie de bouffer Bourg en Bresse ? Mon cul oui.

- Admets que hier c’était grandiose quand même, un feu d’artifice comme on dit !

- Y a pas de discussion là-d’ssus, hier c’était du gros CAB, j’suis entièrement d’accord, mais j’dis juste que faudrait voir à être constant dans l’élégance, c’est tout.

- Dis, Lulu, tu nous vois dans les deux premières places ?

- J’sais pas. Faut que j’vois le match à Nevers, après j’te dirai.

- On y est hein ? Au pied du mur comme on dit.

- Ça s’pourrait fiston, ça s’pourrait bien.

- Tu reprends quelque chose ?

- Même chose Pat, merci.

Les deux supporters trinquent, avec dans les yeux une grosse dose d’espoir mâtinée de méfiance. Cette fois il faut que ça gagne en déplacement.

 

Sébastien Vidal, Chroniqueur
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