Derrière les poteaux : LOU y es tu ? #15
Publié le mardi 27 décembre 2016 à 05:00

Après la Challenge Cup, Brive retrouvait le Top 14 et son Amédée-Domenech pour la réception de Lyon. Il faut toujours se méfier d'une bête sauvage qui évolue hors de son environnement naturel mais le dresseur briviste a bien fait son travail. Trop bien à rendre une bête inoffensive ce qui n'a pas amélioré le spectacle.

Juste avant Noël, les joueurs du CA Brive et du LOU Rugby s'échangent quelques amabilités durant leur rencontre de Top 14 comptant pour la quatorzième journée

J’ai lu ici ou là, que des supporters sujets à l’anxiété craignaient la venue de l’équipe des Gones. En effet, voilà un club mu par un gros budget et qui nourrit de grosses ambitions. Dans ses rangs, des grands noms, des célébrités et … pas mal d’années au compteur. Mais ceux qui voyaient s’approcher un LOU sanguinaire aux crocs acérés n’ont finalement vu qu’une triste bête du Gévau-sans-dents.

Là, vous vous dites « ça y est, il va nous faire toute la batterie de blagues pourries avec le LOU ». Pour être sincère avec vous, j’y ai songé. Et puis j’ai eu pitié.

Moi aussi je me disais que ce match promettait beaucoup, vu les noms sur la feuille de match cela pouvait donner un beau spectacle. Et puis il était légitime d’attendre, de la part des joueurs de la capitale des Gaules, un match bandant …

Hélas, point de grandes envolées, famine de beaux mouvements d’envergure partis des lignes arrières, absence d’exploits individuels et d’inspirations tombées directement du ciel. Non, hier soir, sur l’herbe grasse et trempée du Zébrium, ce qui arrivait des nuages n’était que de la pluie fine, un vilain crachin intempestif qui surgissait quand il en avait envie.

Non, vendredi, c’était un bon vieux match d’hiver, un truc à l’ancienne. On a révisé les fondamentaux, solides sur les bases. Mêlée, touche, défense, agressivité dans les rucks, contacts très rustiques, jeu au pied d’occupation. Dommage qu’Arnaud Méla ait été mis au repos. Il se serait régalé. Il n’aura même pas pu faire la bise à son pote Thibaut Privat.

Petit retour en arrière : Dans une poignée de minutes le cuir s’élèvera vers le ciel bas, et des milliers de paires d’yeux seront braquées dessus. Je ne suis pas encore en place, je viens de croiser Victor Lebas derrière la tribune Sud. Nous nous chatouillons les paluches, je suis très heureux de lui parler, j’aime beaucoup ce jeune joueur rempli de talent et plein de promesses. Il est toujours souriant et de bonne humeur, ce qui est une bénédiction dans une équipe. Il me raconte que ça se passe très bien à Angoulême. « Je joue, donc ça va » me confie-t-il avec une banane aussi large que la tribune Elie Pébeyre. Il est venu supporter ses copains, il sait que ce match revêt une grande importance pour la suite. Cette trilogie qui s’annonce, LOU, Stade Français, Grenoble va conditionner la suite de la saison et imposer le genre d’ambitions que le club peut nourrir. Nous nous souhaitons un bon match, et une belle fin d’année. Alors que je monte les marches en métal qui vibrent sous mes semelles de plomb, j’ai le moral en acier, déjà j’entends les cuivres de la banda qui s’échauffent. Je repense à Victor, j’espère qu’il reviendra avec nous la saison prochaine, ce jeune homme est pour moi aussi prometteur que Fabien Sanconnie. Je me surprends à croiser les doigts en me formulant ce souhait.

Zouzou est déchaîné, il gambade tel un zèbre excité par l’approche de la pluie, il tourne sur le pré, lâche des ruades, saute, tournicote et lève les bras. Si nos guerriers sont aussi chauds que lui, le LOU peut se méfier du début de match, car à Amédée, c’est souvent à l’entame que l’on rétame.

Le ciel est si bas qu’il caresse la structure du stadium. La brume, telle une haleine onctueuse, s’étend et effleure le fanion du club qui flotte au-dessus de la tribune Europe. Au cœur de ses gradins, j’aperçois le visage de Jean-Jacques Bertrand, désormais Ex-président mais vraisemblablement toujours très concerné par l’avenir du club qu’il a dirigé pendant ses années de convalescence sportive. J’avise les supportrices disséminées un peu partout et je me demande si elles ont déjà vu le LOU.

Le match démarre, les zèbres se jettent sur le LOU, ce soir la meute peine à désigner son Alpha et son Oméga, et même si les visiteurs marquent les premiers, ils sentent déjà dans la moindre de leurs molécules, que la partie va être compliquée. Compliquée parce que les locaux sont déterminés. Saïd « le caïd » Hirèche, en capitaine impeccable se multiplie, il plaque à tour de bras et devient féroce dans les rucks. Notre troisième ligne flamboyante porte très haut nos couleurs, et notre 8 de devant, titanesque, avance tel un monstre soufflant et grognant, bavant et montrant les dents, poussant et plaquant, sautant et jouant sans cesse. Le LOU est acculé, il tremble et commence à rater, le stress sans doute. Il s’en remet au pied de son international de grand standing, Frédéric Michalak qui peine à régler la mire. Seul Gaétan Germain connaît les secrets de ces poteaux mystérieux et parallèles, pouvant, selon que l’on invoque les bonnes formules, couronner les rois et défaire les princes.

La première mi-temps est entièrement dominée par les corréziens, ils étouffent l’adversaire dans leurs bras musclés et puissants, ils ne laissent que des miettes aux rhodaniens, des miettes emportées dans le néant de la nuit froide et humide. C’est l’heure des citrons, tout en discutant en tribune je me rends compte que nous n’avons pas tremblé une seule seconde, que cette partie est maîtrisée à la perfection. Notre jeune pilier Devisme assure un max, il vient pourtant de franchir deux grandes marches, il vient de la planète Fédérale 1, et il nous épate pour sa première titularisation en TOP 14. Damien Lavergne ne sera pas en reste lui non plus. Dans les travées, nous sommes quelques-uns à nous susurrer que le bonus offensif est possible, mais pas trop fort, on chuchote de peur de se porter malheur.

Mais la seconde période est sèche d’émotions, aride comme un désert. Nous sommes assis sur des dunes et nous regardons passer la caravane sans aboyer. L’ennui mortel nous frappe, nos paupières sont lourdes et nous ne bougeons même plus nos doigts gourds. Au prix d’un effort immense, je parviens à instaurer un tour de garde à mes yeux, jamais plus d’un fermé à la fois, on ne sait jamais, un exploit individuel, un éclair de génie est toujours possible avec ces mecs sur le pré. Mais je me rends à l’évidence, l’éclair à dû frapper ailleurs, il se murmure qu’il est tombé quatre fois au même endroit, mais loin d’ici, à Bayonne. L’Aviron a chaviré et il finit crucifié sur Lacroix.

Ici, en Corrézie, pas d’orage, que du désespoir. On cherche en vain nos trois-quarts, et on finit par se replier sur les demis, bien frais …

La charnière grince, il faudrait de l’huile mais nous n’avons que de la bruine, je crains qu’elle ne rouille un peu plus cette partie essentielle du jeu offensif cabiste. Le crachin malin se fait dense tandis que nos coujoux débutent la dernière danse. Ça fait belle lurette que les dés sont jetés et que les carottes sont cuites. Le LOU court encore, mais la queue entre les jambes, Ysengrin a peu d’entrain et ZigZag le zèbre tient sa victoire. Heureusement, pour tromper l’ennui, la direction du club avait prévu une distraction. Delon Armitage était chargé de réveiller le public à force de langue tirée et de baisers chaleureux. Mais quand on veut chambrer, il faut être sûr de son coup, conserver le talent nécessaire pour, au-delà du spectacle, rester spectaculaire. Hélas, trois fois hélas, d’en-avant en coup de pied foireux, de mauvaise passe en placement hésitant, Delon cherche le passage et ne trouve qu’une impasse où, aculé, il est gentiment moqué par le public qui tient sa revanche. Tout ce cirque nous revigore un peu, juste ce qu’il faut pour ne pas être réveillé en sursaut par la sirène qui annonce le retour définitif aux vestiaires.

Alors que je me taille un passage dans la foule qui trace vers le café des Monédières, je tombe sur un grand échalas aux cheveux longs. C’est William Whetton. Il est très sympa et nous échangeons un peu. Heureusement qu’il maîtrise la langue de Molière mieux que moi celle de Shakespeare. Je lui souhaite un bon et rapide rétablissement, il semble avoir le moral.

Je suis presque arrivé à ma voiture. L’écho du stade me parvient par vagues, comme le cri des mouettes sur une côte oubliée. Les voitures filent et s’enfilent jusqu’au feu rouge obstiné. Je suis apaisé, malgré le triste jeu des quarante dernières minutes, le contrat est rempli. Nous sommes 9e, bien accrochés au wagon du maintien.

 

 

Article rédigé par Sébastien Vidal.

Sébastien Vidal est un écrivain corrézien, amateur de rugby et du CA Brive. Il est l'auteur de Un ballon sur le cœur. Si vous ne l'avez pas dans votre bibliothèque, n'hésitez pas à vous le procurer (cliquez sur le lien)

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Rémi Brazon, Rédacteur
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1 Vannes 67
2 Béziers 67
 
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13 Soyaux-Angoulême 43
14 Biarritz 43
 
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