Derrière les poteaux : Du plaisir #20
Publié le mercredi 8 mars 2017 à 06:00

Après plusieurs semaines sans Top 14, les supporters brivistes ont enfin pu reprendre la route d'Amédée Domenech en ce premier samedi de mars. Il n'y avait pas que les giboulées qui se dressaient face au CAB mais aussi le RCT. Après le match, à l'image de Sébastien Vidal, les supporters ont retrouvé le sourire. Pourvu que ça dure !

Les conditions météorologiques en fin de rencontre n'étaient pas évidentes pour les joueurs du CA Brive et du Rugby Club Toulonnais

 

Une voute opaque et impénétrable recouvre la Corrèze. Les cieux obscurs arrosent la terre briviste par intermittence, un peu à la manière d’une serpillière qu’on essore, les nuages se vident de leur eau, puis reprennent leur respiration dans une contorsion compliquée, puis c’est de nouveau la douche impétueuse qui précède une nouvelle accalmie. Dans la file d’attente de l’entrée Sud, courbant un peu la tête sous les larmes du ciel, je me dis que je préfère de loin l’accalmie câline aux déjections intempestives des nuages. La tension est palpable dans la foule, j’observe tandis que nous avançons tels des escargots qui se doutent qu’ils vont en baver, les visages autour de moi. On feint la sérénité, les mines affichent de la détermination, les regards sont un peu de biais et obliques, certainement que dans le secret des cœurs la trouille affleure. Parce que ce match est un match déjà capital. Si nous gagnons ce soir, si la citadelle reste encore imprenable, un fossé se creusera entre le CAB et les deux relégables, une douve que le plus long et solide des pont-levis aura toute les peines du monde à enjamber. Le match nul entre Bayonne et Pau n’est pas pour nous déplaire ; certes, Grenoble a gagné et retiré sans doute aux racingmen toutes leurs chances de participer aux phases finales, mais le calendrier dantesque qui attend les isérois promet les pires difficultés au FCG. Le coup d’envoi est donné alors que nous sommes encore nombreux à piétiner dans la queue aux portes du stadium. Déjà la clameur qui monte nous laisse penser que quelque chose se passe. Apparemment les trois premiers points viennent de nous échapper.

Enfin c’est la libération, l’agente de sécurité flashe nos cartes et nous filons vers notre tribune Sud bien-aimée. Le spectacle qui s’offre alors à nos yeux est impressionnant. Les zèbres sont remontés comme des pendules, ils se démènent, se multiplient, se défoncent et enfoncent, ils sont comme des chiens enragés avec les crocs plantés dans la gorge de l’équipe varoise. L’histoire avait convoquée la météo bretonne, et sous la douche perpétuelle et glacée, c’est un formidable combat d’avants qui se déroule devant nous. Et le stadium est emporté par cette énergie qui dévaste tout, elle fuse sur la pelouse et irrigue les gradins et les esprits, elle habite les corps emmitouflés et les pousse à chanter, à scander, à soutenir leur équipe. Le pack corrézien fait des ravages, les gros gagnent leurs duels ; face au RCT, la herse était affutée pour tracer de gros sillons dans le camp toulonnais.

Qu’ils nous font plaisir nos joueurs, et à double titre. D’abord ils nous rendent fiers, et ça faisait un sacré moment qu’ils n’avaient pas engendré ce sentiment chez nous les supporters. Ensuite parce que je commençais à en avoir franchement assez d’écrire des articles critiques et désagréables, ça n’est jamais un plaisir que de tourner le couteau dans la plaie. Du plaisir, c’est tellement plus agréable d’écrire sur du plaisir. Pianoter sur un clavier avec la banane et le cœur léger ça enchante les mots, ça fleurit les phrases, ça illumine les paragraphes.

Nos gars ont été fantastiques. Ils ont sauté à la gorge de l’adversaire et ne l’ont jamais plus lâchée. 23 mâchoires plantées dans le moral des triples champions d’Europe, un rocher douloureux dans leur chaussure, une bétonnière de sable dans leurs rouages. Et la réaction épidermique du légendaire Juan Smith sur Saïd Hirèche en disait long sur la frustration du numéro 6 varois. L’impuissance. Mais Saïd le caïd en a vu d’autres, et en grand capitaine il a été de tous les combats, a mis le nez où peu de gens mettraient les arpions, plaquant à la chaine, poussant, sautant, galopant à l’instar de toute l’équipe.

Mais le plus beau c’est le surgissement de notre jeu offensif. Que dis-je, la renaissance de notre attaque. Celle que l’on croyait ensevelie corps et esprit, inhumée en bonne et due forme au cimetière des illusions perdues, encore un peu et on se demandait si la responsabilité de l’attaque n’était pas un emploi fictif. Et bien cette attaque-là, quelqu’un lui a soufflé à l’oreille « Lève-toi et joue ». Certes, nous n’avons pas inscrit d’essai, la faute à une énorme défense toulonnaise, mais nous avons assisté à de belles actions, des choses travaillées, plusieurs beaux mouvements sont venus pousser les visiteurs dans leurs ultimes retranchements. Il s’en est fallu de peu pour aller à dame. Tout n’a pas été parfait, mais ça fait plaisir. Quant aux visiteurs, ils ont dû passer une bien mauvaise soirée, étouffés, malmenés, cabossés, secoués et cahotés, parfois brutalisés par des impacts sismiques, ils ont fini acculés, piétinés et écrasés. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut dominer de la sorte une équipe du gabarit de Toulon, alors ne boudons pas notre plaisir. Sans doute que sans leur trois-quarts O’Connor l’attaque n’était pas sur les bons rails et n’a pu que jeter de la poudre aux yeux. Certainement qu’il leur a beaucoup manqué en seconde mi-temps, à la dealer de jeu. J’imagine que dans son coin, Mourad boude, j’ai là le sentiment que ça doit ressembler à ça.

Pourtant les entraineurs adverses avaient mis sur le terrain ce qu’ils avaient de mieux, en vain. En face les zèbres étaient enragés. De Masilevu et ses jambes de feu qui pousse « l’autobus » Tuilagi dans le fossé à Laranjeira qui a plus que tenu sa place dans son rôle de couteau suisse bien tranchant, en passant par Petrus Hauman et Fabien Sanconnie, sans oublier notre fameux « Sisa » galvanisé par le numéro cinq floqué dans son dos, il faut aussi citer une charnière inspirée et des piliers bien posés sur le pré.

Et puis, comme un message subliminal à tout le Zébrium, les fugaces apparitions sur l’écran géant de notre Capitaine légendaire Arnaud Méla, pensif et sans doute malheureux de ne pas participer aux joutes rugbystiques.

C’était un samedi soir la terre, c’était un jour comme les autres, c’était une soirée humide, et des limbes brumeuses est apparu un nouveau CAB très attrayant. Comme le dirait Jean-Yves Lafesse, « Pourvu que ça dure » …

 

Sébastien Vidal, Chroniqueur
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