Top 14 CA Brive - Stade Toulousain : Nos impressions et notre analyse

Brive continue son début de championnat de rêve. Après avoir fait tremblé Clermont dans sa forteresse Michelin la semaine dernière, le Stade Toulousain est tombé dans un Amédée-Domenech qui avait revêtu ses habits de lumière pour l'occasion. S'il n'avait pas encore obtenu le respect des autres, le CA Brive l'a obtenu mais devra maintenant le confirmer dans les rencontres à venir. Concernant Toulouse, qu'est ce qui a fonctionné et ce qui reste à travailler ? La réponse dans cette analyse.

 

Avant deux semaines dévolues aux test internationaux de novembre et une période de dix jours de vacances pour les joueurs du CA Brive, il restait encore un match à jouer et pas n'importe lequel. Après avoir affronté l'ASM en Auvergne, le CAB recevait le Stade Toulousain, leader du Top 14. Rien que ça. Dans un Stadium qui affichait complet depuis vendredi matin, Brive a terrassé des toulousains amorphes en première période sur le score de 25 à 13. Brive accroche sa première tête d'affiche dans son stade qui reste invaincu en 5 rencontres et presque inviolé (seulement 2 essais encaissés et une moyenne de 8 points par match)

Les points positifs

Après les félicitations clermontoises, voici les félicitations toulousaines (extrait du compte rendu du match dans la Dépêche)

Que c’est beau un stade qui chante, qui applaudit, qui encourage son équipe ! Amédée-Domenech avait fait le plein (guichets fermés), comme cela n’était pas arrivé dans la sous-préfecture de Corrèze depuis des lustres. Comment ne pas trouver quelque supplément d’âme dans le soutien de ce public extraordinaire ?

Au niveau des joueurs, quel plaisir d'évoluer dans un stade archi-plein. Plus de places à vendre depuis vendredi matin et une affluence annoncée à 13 979 spectateurs (même si certains supporters nous ont avoué qu'ils n'avaient pas été badgés à leur entrée dans le stade). Le public aime son équipe et son équipe aime ses supporters. Les supporters donnent de la voix durant toute la partie et les joueurs leur rendent bien. 5 victoires en 5 matchs, 22 points pris sur 25 possibles et à chaque fois un tour d'honneur qui donne des frissons à tout le monde. Le match de samedi amène bien la confirmation que quelque chose a changé à Brive : dans le passé, Brive était submergé par cette pression et perdait ces rencontres (comme en 2009 contre Toulouse avec un score de 42-10). Jusqu'à présent, ça marche, espérons que ça continue après la trêve internationale.

 

Le public était venu en nombre pour soutenir son équipe contre Toulouse

Vendredi dans Midi Olympique, William Servat prévenait :

Oui, Brive dispose d’une des meilleures conquêtes du championnat.

L'entraineur toulousain s'attendait à souffrir en Corrèze ce samedi et il ne s'est pas trompé mais peut être pas à ce point-là. 7 ballons ont été récupérés dont 5 pour la seule touche et la conquête a amené une grande majorité des points (dont le seul essai briviste marqué par Ribes après un lancé manqué par Ralepelle). Brive a su contrer et même renverser par moments le pack lourd (trop lourd ? 937 kg) du Stade Toulousain. Le CAB a eu la rampe de lancement pour dominer la première mi-temps et résister en deuxième. La charnière a pu jouer dans un fauteuil et ainsi développer un jeu offensif de qualité malgré les conditions climatiques difficiles.

Que ce soit en mêlée ou en touche, Brive a donné une leçon à des toulousains particulièrement maladroits

Depuis le début de la saison et surtout à domicile, Brive impose un gros combat dans toutes les phases de combat et met en place une défense agressive (dans le bon sens du terme). Meilleure défense à domicile du Top 14 (41 points encaissés en 5 matchs - 2 essais encaissés - soit ... 8 points par match !!!), le CAB dérègle le plan de jeu de tous ses adversaires. Emmenés par les chefs guerriers Ribes, Méla, Waqaniburotu et Mignardi, les contacts font mal et la défense avance constamment. Chacun défend pour lui mais aussi pour ses coéquipiers les plus proches. Même si c'est parfois à la limite, la défense colmate les brèches et réussit donc à maintenir un socle solide pour l'attaque. Au plus fort de la domination toulousaine, c'est dans le secteur clé du ruck que Brive sécurise sa victoire : Beauxis est en position de drop (pour ramener les siens à 6 points), les avants font un nouveau point de regroupement mais ils s'isolent et tombent sur Koyamaibole qui récupère la pénalité sur son grattage. Encore une grosse performance de la défense.

Déjà une victoire contre Toulouse est belle mais mené contre le Stade 10-0 au bout de cinq minutes, c'est de l'ordre du rêve. Mais un rêve devenu réalité. Comme on dit du côté de la Provence : on craint degun (on ne craint personne). Le groupe est libéré, il ne fait qu'un et on sent une grosse complicité dans l'équipe briviste. Depuis un an et cela se perfectionne de matchs en matchs, les joueurs pratiquent un jeu offensif de qualité : ça joue debout, le ballon vit constamment, les joueurs réalisent aussi bien des passes avant qu'après contact. Les avants s'intercalent avec les 3/4 et vice versa. Sans en arriver jusque là, on croirait voir évoluer les plus grandes nations de ce sport. Le groupe évolue en confiance et avec cet état d'esprit, vous réalisez des choses que vous ne réussissez pas habituellement. C'est le cercle vertueux de la confiance et de la victoire.

Au niveau des performances individuelles, comment ne pas souligner le match monstrueux du 8 de devant briviste, le monstre à 16 pattes crée et perfectionné par Didier Casadéï (aidé au niveau de la touche par Olivier Caisso). Face à un pack libellé international, les noirs et blancs ont imposé leur loi et ont concassé leurs adversaires. Pas un domaine n'a échappé à la dominance de Brive : touche, mêlée, ruck, défense. Le pack s'impose tranquillement comme un des meilleurs du Top 14 (sans avoir les mêmes moyens que d'autres). Au niveau des 3/4, la charnière a très bien orienté le jeu, bien aidé par le match de son pack, et la paire de centres Laranjeira - Mignardi a été omniprésente. En défense et en attaque, ils n'ont pas eu peur de la paire internationale Fickou - David et ont tenu la comparaison. Thomas Laranjeira est plus qu'intéressant en n°12, il attaque la ligne défensive adverse et est bon en défense. S'il trouve et garde une sérénité dans les pénalités, il deviendra une pièce maitresse de l'équipe du futur du CA Brive. Quant à Gaëtan Germain, il continue sur sa lancée. Auteur d'un 7/8 au pied samedi, il est à 30/38 depuis son retour de blessure (contre Bayonne et au Stade Français, il évoluait avec une contracture à la cuisse). Auteur déjà de 123 points au pied, il est 2e au classement des buteurs et affiche un pourcentage de 74%. Espérons qu'il continue comme ça et avec un buteur de cette trempe-là, le maintien se rapproche.

Gaëtan Germain s'affirme de plus en plus comme l'un des tous meilleurs buteurs du Top 14

Quelle bonne idée ont eu les dirigeants brivistes de prolonger les deux internationaux fidjiens Koyamaibole et Waqaniburotu jeudi. Souhaitée et voulue par les supporters, la prolongation est venue au bon moment et clôt toutes les rumeurs concernant les deux fers de lance brivistes. Les deux 3e ligne ont été omniprésents contre Toulouse, tant en attaque qu'en défense.

Koyamaibole!! What else #CABST

— Lartot Matthieu (@lartot) November 2, 2013

Avec eux, vous êtes rarement déçus et l'investissement consenti est rapidement amorti. Par contre, il faudra penser offrir un survêtement du CAB à Dominiko pour éviter qu'il porte toujours son ensemble des Waikato Chiefs !!!.

Les points négatifs

Espérons que ça soit l'unique et la dernière fois cette saison qu'on ait droit à cette météo. Le Top 14 rentre dans la saison où le temps est capricieux et les terrains de plus en plus gras (et encore à Brive, nous n'avons pas trop le droit de nous plaindre quand on voit la qualité de certaines pelouses du Top 14). Les fantastiques envolées des 3/4 font se faire rares, le combat au ras va se multiplier, le jeu au pied va devenir de plus en plus important (tout comme le réalisme) et les organismes vont souffrir et s'user avec les terrains gras. Bref, nous sommes en hiver !!!

Non, il ne fait pas nuit, nous sommes en milieu d'après-midi !!! Bienvenue en hiver !!!

Si la première mi-temps a été dominée par le CA Brive, le Stade Toulousain a mis la main sur la deuxième. On appelle ça l'orgueil du champion. Profitant d'un coup de pompe physique briviste autour de l'heure de jeu, Toulouse est revenu souffler dans la nuque du CAB. Revenant à seulement neuf points à dix minutes de la fin, les brivistes se sont révoltés et ont repoussé les toulousains pour la victoire. Jusqu'à présent, Brive a plutôt bien maitrisé ses temps faibles mais samedi, nous avons eu l'impression que sur certaines séquences, les brivistes étaient en sur-régime. Contre les cadors du Top 14, il est difficile de suivre leur rythme pendant 80 minutes sans se mettre dans le rouge. Même si le Challenge Européen sert à reposer les organismes les plus sollicités, attention à ne se griller aussitôt dans la saison. La saison de Top 14 est encore longue et il reste encore beaucoup de batailles à livrer. Nous voyons cela du côté de Brive mais peut être que certaines équipes du Top 14 sont aussi dans le même cas que Brive. Ceux qui gèreront mieux le sur-régime s'en sortiront à la fin comme dans des épreuves comme les marathons, triathlons et courses de cyclisme.

L'ailier international tente de réveiller ses coéquipiers en marquant un essai. Pas sur cette action mais sur la suivante



Menant 16-0 à la mi-temps, Brive s'est mis en danger après la pause. Quel était le plan de jeu prévu ? Avec le score en poche et la pluie qui s'intensifie au retour des vestiaires, le CAB n'aurait-il pas dû occuper la moitié de terrain toulousaine avec le pied ? Avec des artilleurs comme Swanepoel (puis Sola), Laranjeira et Germain, cela serait bête de ne pas utiliser cette force de frappe. Quand vous ajoutez une bonne pression défensive à un ballon glissant, il est facile de provoquer les fautes adverses et accentuer l'écart au score. C'est quand même mieux de jouer en avançant que de défendre en reculant et se retrouver rapidement à défendre dans ses 22 mètres.

En plus d'être en sur-régime, les joueurs n'évoluent-ils pas en sur-confiance ? Contre Clermont et Toulouse, le CAB n'était pas le favori lors de ces rencontres. Contre Biarritz et Oyonnax, il sera le favori. Arrivera-t-il à gérer ce nouveau statut et cette nouvelle exposition médiatique ? Brive et ses supporters ne doivent pas oublier qu'ils sont promus et que l'objectif premier est le maintien. Le maintien est annoncé autour de 45 points et donc il resterait 5 victoires à obtenir. Si cet objectif est atteint rapidement, alors oui le club pourra viser plus haut. Dans le match contre Toulouse, alors que le match n'était pas plié, le CAB a choisi d'opter pour la pénaltouche au lieu de tenter de rajouter 3 points au compteur. Avec les conditions climatiques actuelles, il faudra prendre les points quand ils se présentent comme le font les grandes équipes. Après, quand l'écart est fait, on peut jouer mais pas avant. Il faut garder les pieds sur terre et ne pas se prendre pour ce qu'on n'est pas.

Dernier point que nous allons aborder mais c'est un point technique. Réclamé depuis plusieurs semaines, l'écran géant du Stadium a été changé pour la venue du Stade Toulousain. Même si tout n'a pas été parfait (l'image a quelque peu sauté par moments), l'écran offre une qualité d'image haute définition mais pour éviter tout problème, est ce qu'on ne pourrait pas le protéger des tirs de pénalités car l'écran est placé derrière les perches. Mais le gros point noir samedi était la sono du stade. Déjà qu'elle n'a jamais fonctionné parfaitement dans le stade entier, la tribune Elie-Peybère en était privée pour le match. Le dossier écran géant étant réglé, il va falloir se pencher une bonne fois pour toute sur le dossier sono. Si dans les grands stades à proximité (Bordeaux, Toulouse, Clermont ...), on arrive à la régler, pourquoi n'y arrive-t-on pas à Brive ? Surtout que le problème n'est pas nouveau et que beaucoup de monde s'en plaint depuis des années. Réglons ce problème pour ensuite passer par exemple aux animations autour du match pour le rendre encore plus vivant et prenant.

En conclusion

Comme l'a montré le match contre Toulouse, il faut profiter du moment présent, continuer à surfer sur cette vague acquise depuis la ProD2. La mission maintien avance bien mais il reste encore 5 victoires (au moins) pour atteindre l'objectif non-officiel des 45 points. Après deux matchs probants contre 2 grosses cylindrées (Clermont et Toulouse), le calendrier va offrir au CA Brive 2 matchs contre Biarritz et à Oyonnax où Brive aura le statut de favori. Un changement de statut qu le club devra gérer au mieux pour éviter toute mauvaise surprise. Après les prolongations des entraineurs et des deux 3e ligne fidjiens, il faut profiter de la trêve pour continuer à avancer sur le dossier "prolongations" (Mignardi, Barnard, Shvelidze et autres) et pourquoi pas commencer à avancer sur l'arrivée des nouveaux joueurs (quid du joker médical : 2e ligne ou talonneur ?)

Depuis plusieurs semaines, nous assistons à une vague d'engouement sans précédent autour de Brive. Pourquoi ? Les amateurs du rugby de l'époque se retrouvent dans Brive et son équipe. Pas de stars, une bande d'amis qui ne lâchent rien et qui jouent à la vie à la mort pour leurs coéquipiers présents ou non sur le terrain (comme Alexandre Barozzi et Olivier Caisso). Et en plus, ça joue bien ce qui n'est pas pour déplaire aux supporters. A l'aube de la starification du rugby qui commence à perdre son âme, le club corrézien résiste à ce nouveau rugby. A l'heure de la sortie d'un nouvel Astérix, Brive pourrait devenir un petit village de gaillards qui résistent à l'envahisseur, par Toutatis et par les Sardines !!!

 

Article rédigé par Rémi Brazon