Top 14 CA Brive - ASM Clermont : la victoire de la douleur

Cette victoire contre le voisin et leader du Top 14 clermontois a un peu le goût du sang. Les brivistes, jusque là épargnés par les blessures, l'ont payé au prix fort. Mais à force de jeu, de volonté, de courage, le CAB arrache une victoire qui lui ouvre les portes du Top 14 pour la saison 2014/2015. Il ne reste plus qu'à attendre la validation qui pourrait avoir lieu le 12 avril. Que peut-on tirer d'un match comme ça où toutes les émotions ont été vécues ?

 

Dire que tout le monde attendait ce derby est un doux euphémisme. La donne était simple pour Brive : faire tomber le leader du Top 14 et le maintien était assuré (certes pas mathématiquement mais psychologiquement). Au bout d'un match enlevé, physique et âpre, les brivistes ont obtenu ce qui étaient cherchés à savoir la victoire. Mais la victoire a eu un coup humain important tant les corps ont souffert ce vendredi soir.

Les points positifs

Là franchement, mis à part un cataclysme qui s'abat sur la Corrèze d'ici au 3 mai, le maintien est assuré pour le CAB. Quoiqu'il arrive samedi dans le match opposant Oyonnax et Bordeaux, le premier relégable aura 44 points soit 11 de moins que Brive. Il reste 3 matchs à disputer donc faites les calculs : au maximum, il y a 15 points à prendre soit 3 victoires bonifiées. Il y a quand même très peu de chances que ça arrive. Et puis, lors des deux dernières journées, Brive a des matchs à sa portée (à Biarritz et contre Oyonnax) pour définitivement assurer son maintien à moins que les résultats soient favorables dans deux semaines. Au vu de l'infirmerie (voir ci-dessous), le CAB est très heureux d'être dans cette situation que dans celle d'une équipe en pleine lutte pour le maintien.

Ce groupe, en plus d'être une bande de copains, a un mental de fer. Qu'importe les faits de jeu contraires, les coups durs, les joueurs répondent du tac au tac à leurs adversaires. En début de saison, tout le monde (mis à part leurs supporters !) voyait le CAB relégué à la fin de la saison. Les joueurs ont prouvé le contraire et sont devenus de véritables poils à gratter. Les saisons passées, Amédée-Domenech offrait pas mal de bons résultats aux visiteurs mais cette saison, les soldes sont fermées et il faut payer l'addition. Ce groupe n'a pas vécu que des moments joyeux depuis deux ans mais il en est reparti avec une volonté de fer, un esprit de combattant qui se transmettent aux joueurs sur le terrain qui le font pour ceux qui ne peuvent pas y être.

Les joueurs du CA Brive ont fait preuve de solidarité et d'un mental à toutes épreuves contre Clermont

Durant ce match contre Clermont, il y a eu 2 styles différents mais le CAB s'est adapté à la tournure des évènements pendant 80 minutes. Il a fallu jouer pendant 40 minutes et exploiter les moindres failles qu'offraient la défense clermontoise. Les brivistes s'en sont occupés en marquant deux très beaux essais que l'ASM n'aurait pas renié d'inscrire. Le CAB jouait le jeu qu'il souhaite produire, spécialement à domicile. La deuxième mi-temps a vu le réveil des clermontois qui se sont appuyés sur un jeu très physique. Privés de ballons, les joueurs corréziens se sont retrouvés dans la même situation qu'à Castres une semaine auparavant mais cette fois-ci, ils n'ont pas craqué et cela malgré des handicaps nombreux (multiples infériorités, blessures, fatigue ...). D'une première partie offensive à une seconde défensive, le CAB s'est adapté tel un caméléon pour se fondre dans le paysage. Le caméléon noir et blanc est en plus venimeux car il est très indigeste pour ses ennemis du Top 14.

Tour de contrôle, nous sommes prêts à décoller. Emmenée par ses tours jumelles Hauman et Le Dévédec, la touche du CAB a fait vivre un calvaire à son homologue qui ne manquait pas d'atouts. Si elle a connu quelques ratés pendant la saison, elle a surtout survolé le reste de l'année. S'établissant comme l'un des meilleurs du championnat, l'alignement a volé beaucoup de ballons aux clermontois, autant de munitions qu'ils n'ont pu exploiter. Surtout, la touche a remis sur terre des joueurs peut être un peu trop confiants quant à leur chance de marquer un essai. Deux exemples pour illustrer. Le premier intervient juste avant la mi-temps : au lieu de prendre les points, Clermont décide d'aller en touche, la balle est captée mais Le Dévédec place une de ses tentacules dessus et transmet à Hauman, la suite on l'a connait tous. Le deuxième exemple est encore plus criant : alors en supériorité numérique et bénéficiant d'un avantage indéniable en mêlée, l'ASM décide d'aller en touche, secteur en souffrance pour eux. Résultat des courses : Brive récupère la munition, se dégage et peut souffler. Que ce soit dans les temps forts ou dans les temps faibles, le CAB peut compter sur sa touche pour se sortir des pires situations. En espérant que ça continue la saison prochaine malgré le départ de Julien Le Dévédec.

L'alignement clermontois a vécu un véritable calvaire contre le CAB vendredi soir

Quand on compare le jeu offensif du CAB lors de ses deux dernières saisons en Top 14 (celle-ci et celle de la relégation), c'est définitivement le jour et la nuit. D'une équipe où les avants étaient la principale force de frappe, Brive est passé à une équipe plus équilibrée où les 3/4 se font plaisir et où le buteur joue son rôle à plein temps. Sur ce match, hormis les habituels du trident arrière (Namy - Radikedike - Germain), deux joueurs se sont particulièrement distingués : Thomas Laranjeira et Alfie Mafi. Le jeune ouvreur briviste a remplacé au pied levé Riaan Swanepoel blessé quasiment dès la première action du match. Il a parfaitement dirigé l'attaque briviste, alternant très bien le jeu entre la passe et le pied et a défendu vaillamment comme il sait le faire. En début de saison, c'était la recrue phare du CAB mais l'éclosion a mis plus de temps que prévu à se faire. Sauf que ça y est : Alfie Mafi est là. Éblouissant contre Grenoble (il aurait dû marquer un essai si "Waqa" ne l'oublie pas), il a continué sur la même longueur d'onde contre Clermont. Suppléant Radikedike à la demi-heure de jeu, il n'a pas mis longtemps avant de se mettre dans le bain et quelle manière. Que dire de plus que de regarder la vidéo, les images parlent d'elles-mêmes

Il ne faut pas non plus oublier qu'il est à deux doigts d'inscrire le 3e essai du CAB en début de seconde période. Après une période de domination sans partage de l'ASM, Brive se dégage et Mafi récupère la balle sur un rebond capricieux. Nalaga le rattrape par le bout du maillot. Si l'australien a 1m50 de plus à droite, il échappe à Nalaga et file entre les poteaux. Le score aurait été de 27 à 3. La messe aurait été dite. L'oiseau a mis du temps avant de prendre son envol mais il semble qu'enfin, il vole de ses propres ailes au plus grand bonheur du CAB.

Les points négatifs

Qui a retrouvé l'adresse du marabout qui n'aime pas le CAB ? La dernière fois que le club a vécu une telle hécatombe, c'était en décembre 2012. En Pro D2, à ce moment de la saison, Brive avait un pack entier (titulaires + remplaçants soit 13 joueurs) à l'infirmerie et pourtant, les résultats avaient été bons. 18 mois plus tard, le CAB se retrouve dans la même situation et heureusement qu'il ne reste que 4 matchs à disputer. Le match contre Clermont a fait mal, très mal. Pour Riaan Swanepoel (fracture du péroné), Pat Barnard (luxation ou fracture du coude), François Da Ros (genou) et Kevin Buys (cuisse), la saison est finie. Gaëtan Germain, Malakaï Radikedike (cuisse), Karlen Asieshvili (épaule) et Saïd Hirèche (genou) ont laissé des plumes dans la bataille. Et quand on rajoute à cette liste les suspensions de Dominiko Waqaniburotu et Damien Neveu, cela fait beaucoup de monde sur le flanc pour terminer la saison. Mais comme ils l'ont affirmé dans Bleu Blanc Noir lundi, les jeunes se tiennent prêts à filer un coup de main à l'équipe première.

Au vu de l'infirmerie, il va être difficile de terminer la saison. Certains postes sont fragilisés (talonneur, pilier droit) et il ne faudrait pas que la liste des blessés s'allonge dans les jours ou les semaines à venir. Le calendrier n'est pas simple avec 3 déplacements pour une seule réception. Se déplacer à Bath et Toulouse avec un groupe amoindri n'est pas gage de sûreté mais il faudra faire avec, on ne peut plus faire marche arrière. Physiquement, la répétition des efforts commencent à être dure à supporter mais il faut serrer les dents pendant encore un mois et puis les vacances seront là et elles feront du bien à tout le monde. Contrairement à d'autres équipes, Brive n'a pas eu à manger son pain noir pendant la saison si ce n'est vendredi mais tout le monde aurait bien voulu que cela s'étale dans le temps au lieu d'arriver tout en même temps.

L'arbitrage n'a pas été catastrophique vendredi mais par moment, cela a été -excusez l'expression- un beau bordel. Il faudra nous expliquer à quoi ça sert d'avoir autant de délégués sur le bord de la touche pour qu'il n'y en est pas d'un qui comprenne comment marche la règle de la carence. Si personne ne la comprend et ne peut l'expliquer dans le feu de l'action, on la supprime tout simplement. Sans polémiquer dessus, la distribution des cartons de Mr Raynal laisse à désirer. Pourquoi Nathan Hines ne prend pas rouge sur son plaquage haut sachant que Swanepoel sort blessé ? Prenons l'exemple du football : en fonction de la gravité de la blessure, l'arbitre a tout à fait le droit de changer sa décision et de passer du jaune au rouge pour le joueur fautif. Quand on voit une semaine auparavant la faute de Waqaniburotu, on est en droit de se demander si tout le monde est arbitré de la même façon sachant que Bonnefond n'est pas sorti blessé après l'action. La succession de fautes et de mêlées (qui entrainent les deux cartons jaunes) auraient très bien pu emmener à un essai de pénalité. Sur l'action où Barnard se blesse, Vosloo se fait plaisir sur la jambe de son compatriote pendant que ce dernier hurle de douleur. Pas fair-play d'un côté et manque de réactivité de l'autre. On pourrait continuer des deux côtés pendant des heures mais le gros problème de l'arbitrage est son manque évident d'uniformité. Il y a des règles et elles doivent être appliquées à tous de la même manière.

 

En conclusion

La victoire contre Clermont est belle mais elle fait très mal également. Cette victoire offre pratiquement le maintien au CAB, lui qui était mis dans la charrette avant même que le championnat ne commence (belle revanche, non ?). En s'appuyant sur un jeu d'instinct et offensif, sur une touche dévoreuse de ballons, Brive a fait mal aux clermontois en première période. Mais cela s'est inversé en 2e mi-temps et les brivistes se sont accrochés à leur avantage qui se réduisait comme neige au soleil. Mais à force de courage et de volonté, ils sont allés au bout d'eux-mêmes pour obtenir une fin de saison moins stressante. Les joueurs l'ont fait pour eux mais aussi pour ceux qui ont rendu les armes pendant le match.

 

Article rédigé par Rémi Brazon